
L’année 2015 est reconnue comme l’une des meilleures années de l’ère moderne du rap français. Dix ans après, son héritage est toujours prégnant. Cette année 2015 se distingue par l’arrivée de nouvelles têtes apportant un vent nouveau. Cette percée est favorisée par l’apparition du streaming musical permettant aux rappeurs de mieux se faire connaître tout en s’affranchissant des labels et des radios rap. PNL illustre bien cette volonté d’indépendance alors que le duo avait eu la possibilité de signer dans des labels prestigieux. Une certaine ouverture créative a fait son arrivée aboutissant à une diversification durable du genre. Cela se caractérise notamment par l’adoption de l’autotune par le grand public avec l’album My World de Jul ou encore SCH.
Importée des États-Unis quelques années auparavant, la trap se fait aussi une place dans le rap. Elle met en avant une esthétique de rue et criminelle de manière assumée tout en donnant plus d’importance à la production accompagnant les paroles. On peut retrouver ce courant chez Kaaris et son deuxième album Le bruit de mon âme, de même pour Niska popularisé par son titre Matuidi Charo (PSG). On trouve également cette influence avec le roubaisien Gradur, lui qui illustre l’émergence de nouvelles têtes hors de la région parisienne. De nouveaux thèmes font aussi leur percée sur une scène alternative. Elle se différencie par ses textes qui initient un nouveau public au rap, permettant au genre de se diffuser avec des artistes comme Vald qui met en scène une esthétique complotiste.

Aujourd’hui, les influences de cet âge d’or sont toujours perceptibles. Certains artistes émergents de 2015 en ont influencé nombre d’autres par la suite. Avant ses démêlés avec la justice, Nekfeu a inspiré de nombreuses personnes avec son album Feu. Celles-ci n’étaient pas forcément prédisposées à se lancer dans le rap mais l’ont fait pour le meilleur et pour le pire, allant de talents comme Wallace Cleaver ou le groupe belge L’Or du Commun à des artistes plus discutables comme le groupe 47ter. On retrouve aussi des albums à la direction artistique quasi-cinématographique, tendance aussi lancée en 2015 où SCH se met dans la peau d’un gangster dans A7. Cette patte se retrouve notamment chez Laylow dans ses deux derniers albums. La trap, elle, s’est essoufflée au profit d’autres courants comme la drill.

Dans les années 2015 de plus en plus de rappeurs se mettaient à endosser le costume de businessman comme Booba qui s’est lancé dans les vêtements avec sa marque Unkut ou même dans la radio avec OKLM Radio fondée en 2014. Les deux ont depuis disparu mais ont ouvert la voie à d’autres projets proches ou non du rap. Maintenant, les rappeurs ne sont plus les seuls à investir dans leur genre, puisque le rap a attiré de grandes productions comme la série Nouvelle École sur Netflix qui a donné lieu à un certain engouement et par conséquent à des revenus importants. Il y a toujours un papy qui fait de la résistance puisque Booba, encore lui, arrive toujours à se réinventer à 48 ans, réinvention lancée en 2015 avec Nero Nemesis.
Auteurs : Clément LESUISSE et Thomas TAYLOR
Article paru dans l’édition papier d’avril 2025.